Cancer : de l’engagement dans la relation de soin
18ème journée Haut-Rhinoise de Psycho-Oncologie 19 juin 2017 organisée par l’APOHR (www.apohr.fr)
Résumé de la journée par Christine Barbier-Godard
Cette journée de colloque, centrée sur la notion d’engagement dans la relation de soin, était organisée autour de conférences plénières le matin et d’ateliers pratiques l’après-midi.
Les objectifs généraux de cette journée de psycho-oncologie étaient de :
– donner des repères cliniques pour mieux comprendre le retentissement psychologique de la maladie ;
– développer une réflexion et identifier les modes d’action, les attitudes susceptibles de favoriser la mobilisation des ressources psychiques.
Le public visé était tous les soignants et particulièrement les professionnels du soin impliqués dans la prise en charge de personnes atteintes de cancer.
J’ai participé à cette journée parce que la relation de soin, est une relation complexe, faite d’engagement et de distance. Le praticien de santé y rencontre parfois ses limites et doit apprendre à gérer certaines attentes de la part des patients dans leur demande d’accompagnement ou de prise en charge.
Plus spécifiquement, le terme d’ « engagement » que cette 18ème journée questionne est au cœur même des missions de l’APOHR et de nos fonctions de soignants. Si le sens qu’on lui donne est propre à chacun, il doit aussi se conjuguer avec celui qui lui est donné par l’institution, ce qui s’avère à l’heure actuelle de plus en plus problématique….
Parmi les conférenciers de la matinée, j’ai été particulièrement intéressée par l’intervention du philosophe Jean-Michel LONGNEAUX, Pr. Université de Namur, Conseiller en éthique dans le monde de la santé, Rédacteur en chef de la revue Ethica Clinica.
Il s’est penché sur la question « Que reste-t-il de nos désirs ? » en la développant selon plusieurs dimensions.
En premier lieu, il entrevoit la notion de désir sous l’angle de la toute-puissance du soignant, c’est à dire être un bon soignant et à la hauteur. Mais avec l’usure du métier cet engagement se fissure et a des difficultés à se renouveler.
Ensuite, il aborde la question du désir dans la relation à l’autre, c’est à dire notre capacité d’empathie, « d’être sur la même longueur d’onde avec autrui ». Cette forme de désir peut aussi se fissurer dans le quotidien des soins quand cette fusion est remise en question par la mort d’un de nos patients par exemple.
En dernier lieu, il aborde la notion de désir par rapport à l’existence, quand la mort emporte une personne, cette situation peut être vécue comme une profonde injustice. Le deuil ne peut pas être fait tant qu’il n’y a pas d’acceptation de la situation. Face à ces constats, le soignant découvre qu’il est limité dans son action, que l’on n’est pas le soignant qu’il rêvait d’être, qu’il est dépendant des systèmes qui l’entourent, qu’il n’est pas parfait. Il découvre, par l’expérience du deuil, un sentiment de solitude et apprend par là même que la vie peut tout reprendre à tout moment, c’est l’incertitude de la vie.
Jean-Michel Longneaux conclue ainsi, au terme d’une conférence menée sur un ton à la fois léger et profond, « apprenez à apprivoiser la finitude, la solitude et l’incertitude, vous pourrez alors durer dans votre travail pour ne pas être détruit par des situations dramatiques. Cette grille de lecture vous pouvez l’utiliser pour vos patients. C’est à dire les aider à accepter la réalité qui est la leur et les aider à se réconcilier avec la vie. »
Cette intervention philosophique m’a passionnée par cette prise de hauteur par rapport à notre pratique quotidienne et par son éclairage instructif qu’on n’a pas forcément l’habitude d’entendre.
J’ai assisté ensuite à la conférence de Ève BERGER, Docteure en science de l’éducation, Chercheure au CERAP (Université Fernando Pessoa, Porto), Pr. Associée à l’Université du Québec (Rimouski).
Elle a abordé l’importance de la place du corps et de la qualité de la présence à soi dans la relation soignant-soigné. En effet, la qualité de présence à soi favorise la construction d’une relation de nature empathique voire de réciprocité. De nombreuses recherches qualitatives ont été réalisées au sein du CERAP, de façon à mettre en évidence les composantes universelles d’une relation dite de « réciprocité ». En conférence plénière, Ève Berger a invité le public, à travers des exercices simples, à découvrir et faire l’expérience d’une qualité de présence nouvelle en posant son attention sur des indicateurs internes de perception bien précis et communs à tous. Cette qualité de présence crée un climat apaisant au combien nécessaire lorsque la maladie véhicule de l’inquiétude, de l’angoisse voir un questionnement de nature existentielle.
L’après-midi était consacré aux différents ateliers pratiques. J’ai assisté à l’atelier co-animé par Ève Berger et Dominique Mathis, kinésithérapeute et formateur. Il était proposé de faire l’expérience de cette qualité de présence, abordé dans la conférence du matin, seul puis à deux par des mouvements lents effectués dans les différents plans de l’espace, avec la consigne de porter son attention sur la qualité de la gestuelle porteuse d’une conscience de soi renouvelée. Durant les temps de partage les participants exprimaient leur vécu et témoignaient s’être senti à la fois proche et distant de leur partenaire, à la fois respectueux et à l’écoute, et surpris de l’enrichissement de la relation non-verbale.
Cet atelier a permis de sensibiliser les soignants à la place du corps dans le soin, à la posture du soignant dans la relation soignant-soigné et à trouver la distance juste.
La journée a été rythmée par les interventions poétiques et joyeuses des Neztoiles, Rosa tapioca et Uonam, personnages fantastiques issus du clown et formés à la relation d’aide.
Une journée riche qui a proposé une approche philosophique de la relation soignant-soigné (JM Longneaux), une approche expérientielle de la distance juste dans la relation (È. Berger), le témoignage d’un itinéraire d’accompagnement qui met en évidence les difficultés rencontrées par certains soignants dans la durée (D. Deschamps), les piliers de l’engagement et les différents niveaux de confiance dans la relation soignante (V. Haberer-Knuessi). C’était l’un des points forts de cette journée d’aborder la question de l’engagement du soignant selon ces différentes dimensions, chacune apportant ses spécificités et permettant ainsi d’enrichir notre réflexion, jusque dans ses aspects concrets.